Émile,
Quatre-vingt-quatre ans et sous les ponts. Tu affirmes que c’est ton choix, ta mission.
Je n’en doute pas mais t’offre tout de même ma main histoire de réchauffer un peu la tienne.
Aujourd’hui tu n’y es pas, tu me manques déjà.
Je crois que je suis plus démunie que toi au cœur de mon logement chauffé m’espérant à l’abri des épisodes enrhumés.
Ton vélo et sa voiturette qui transportent ton fourbi d’objets ne sont plus sur les graviers. Ton long carton, cette chauffeuse, ne laisse aucune trace de tes crasses dormeuses.
Alors je m’inquiète et me demande si tu vas.
Bien sotte avec mon thermos de soupe chaude, je reste hébétée en te cherchant, telle une nigaude.
Et puis je me rappelle que la migration est une jumelle qui te taraude.
Quelques jours plus tard, je te croise à la fontaine sur la place du marché. Tu balades Bobette, ta chienne noire à trois pattes. Je suis ravie. Elle me fait la fête.
Je t’écoute me conter ta nouvelle demeure. Tu vis chez ton ami René, l’homme de cœur.
Je suis rassurée de te voir en bonne santé.
Alors tu prends ma main comme au bon vieux temps des gelées et entends comme je t’ai gardé tes quelques deniers que tu m’avais confiés l’année passée lorsque je voulais te ravitailler.
Soudain une larme naît dans chacun de tes vieux yeux mais encore si clairs, si bleus. Tu sembles touché par cette honnêteté.
Le temps cesse son défilé : l’émotion fait pleurer l’homme de la rue. Ses sourcils trempés de gouttes bienvenues clignent gênés et retenus.
Tu me bises la joue et je comprends que l’on s’avoure l’importance du nous.
Tu me donnes bien plus Émile, bien plus que certains proches mais si vils. Au fond de nos cœurs, nous chérissons cette île où ma mémoire sait que tu demeures et où tu me promets résidence.
Va en paix l’ami, toi et moi savons que la valeur ne s’estime ni aux logis ni aux chiffons mais à la seule faculté d’aimer sans condition.
Madame Maud
Quatre-vingt-quatre ans et sous les ponts. Tu affirmes que c’est ton choix, ta mission.
Je n’en doute pas mais t’offre tout de même ma main histoire de réchauffer un peu la tienne.
Aujourd’hui tu n’y es pas, tu me manques déjà.
Je crois que je suis plus démunie que toi au cœur de mon logement chauffé m’espérant à l’abri des épisodes enrhumés.
Ton vélo et sa voiturette qui transportent ton fourbi d’objets ne sont plus sur les graviers. Ton long carton, cette chauffeuse, ne laisse aucune trace de tes crasses dormeuses.
Alors je m’inquiète et me demande si tu vas.
Bien sotte avec mon thermos de soupe chaude, je reste hébétée en te cherchant, telle une nigaude.
Et puis je me rappelle que la migration est une jumelle qui te taraude.
Quelques jours plus tard, je te croise à la fontaine sur la place du marché. Tu balades Bobette, ta chienne noire à trois pattes. Je suis ravie. Elle me fait la fête.
Je t’écoute me conter ta nouvelle demeure. Tu vis chez ton ami René, l’homme de cœur.
Je suis rassurée de te voir en bonne santé.
Alors tu prends ma main comme au bon vieux temps des gelées et entends comme je t’ai gardé tes quelques deniers que tu m’avais confiés l’année passée lorsque je voulais te ravitailler.
Soudain une larme naît dans chacun de tes vieux yeux mais encore si clairs, si bleus. Tu sembles touché par cette honnêteté.
Le temps cesse son défilé : l’émotion fait pleurer l’homme de la rue. Ses sourcils trempés de gouttes bienvenues clignent gênés et retenus.
Tu me bises la joue et je comprends que l’on s’avoure l’importance du nous.
Tu me donnes bien plus Émile, bien plus que certains proches mais si vils. Au fond de nos cœurs, nous chérissons cette île où ma mémoire sait que tu demeures et où tu me promets résidence.
Va en paix l’ami, toi et moi savons que la valeur ne s’estime ni aux logis ni aux chiffons mais à la seule faculté d’aimer sans condition.
Madame Maud